Laurent Agostini
Baliser soigneusement le sens du chemin client…

Le sens du chemin...cela peut paraître une terminologie bizarre que d’associer sens et chemin dans la même phrase, et comme si quelque chose ne sonnait pas juste ! Le commerce doit avoir un sens, et le client doit suivre le bon chemin jusqu’à l’offre, sachant que c’est à l’offre qu’incombe la responsabilité de paver le bon chemin.
C'est l'offre qui détermine quel chemin va suivre la demande pour la consommer
Désolé, j’avais envie d’être un brin provocateur avec ce préambule d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur, et depuis mes plus jeunes années professionnelles : La qualité du chemin parcouru par un client, tout au long de son expérience avec les produits ou services d’une entreprise.
Je me sens particulièrement chanceux d’avoir croisé le chemin de l’entreprise JM Bruneau de 2001 à 2005, plusieurs fois primée meilleur service client.
J’avais déjà au fond de ma personnalité, un attachement profond à cette valeur fondatrice de la relation client-fournisseur, et mes 4 années au service Marketing de cette PME n’ont fait que renforcer mon dévouement à cette cause : La satisfaction du client.
Depuis, partout j’ai voulu inculquer cette culture de la reconnaissance du client, comme pierre angulaire de toute stratégie commerciale, et à chaque fois que j’ai été confronté à des organisations défaillantes, cela m’a toujours touché.
Comment peut-on oublier que le client doit toujours être au centre d’un dispositif commercial, d’une part pour le conquérir, et d’autre part pour le fidéliser ?
En 2004, j’ai eu le privilège de suivre une formation aux techniques d’achats, et non pas de ventes, et retenu que toute bonne négociation commence par une mise en tension, pour être ensuite diminuée jusqu’à la conclusion d’un accord.

La mise en tension !
C’est un acte clé de toute relation, une sorte de quitte ou double qu’il faut savoir observer et dépasser. En revanche, dans toute relation client-fournisseur, il y a une convention à ne jamais suivre… augmenter la tension !
Permettez-moi un exemple concret et illustratif d’un chemin client labouré, maltraité, et qui aboutit à de la destruction d’opportunités et de valeurs.
Prenons l’exemple d’un individu qui déménage, change de région, et arrive dans une nouvelle ville. Sportif, il décide de s’inscrire dans un club de sport (tennis par exemple).
Il appelle le standard dont il a trouvé le numéro sur le site Internet, et peine à joindre le bon interlocuteur ou celui-ci ne le rappelle pas, et toujours pas au bout d’un mois.
Notre sportif se rend finalement sur place, et finit par s’inscrire, faute d’offres concurrentes.
Le club de tennis est une entreprise comme les autres. Elle obéit à la même règle des 4P : Produit, Placement, Prix, et Promotion.
Le produit est bon : 7 cours de tennis !
Le placement est bon : Situé à côté du centre-ville !
Le prix est raisonnable : 110 euros par an contre 600 euros dans des clubs de villes huppées.
La promotion n’est pas faite ! C'est une première alerte sur la qualité du chemin balisé pour un nouveau client, quand une entreprise ne fait pas mine de chercher... de nouveaux clients.

Il y a donc une question sous-jacente à un prix trop bas ou quelque chose qui n’est pas identifié, voir caché (prix marché habituellement entre 180 et 250 euros)…mais revenons au chemin suivi par le nouveau client pour consommer le produit.
Une fois inscrit après avoir perdu un mois, le sportif consomme le produit. Il vient une première fois, et se présente à l’accueil. Il consomme un court.
Il revient une seconde fois, et ainsi de suite. Il devient un client récurrent.
Deuxième opportunité manquée par notre exemple, en revenant, le client découvre des interlocuteurs différents. C’est normal, il est nouveau.
En revanche, ce qui n’est pas normal dans son parcours client, c’est que ces interlocuteurs représentant le club, l’entreprise, l’association, peu importe, ne le reconnaissent pas dans sa qualité de nouveau.
Première grossière erreur de CRM !
Le client doit être identifié comme client, et son parcours balisé, en même temps que toutes les parties prenantes ont partagé l’information : Il y a un nouveau au club ! Voilà sa fiche, sa photo si besoin pour le reconnaître, mais ne jamais lui faire soupçonner qu’on ne le connait pas, et même lui demander s’il est client !
Chaque individu, vous, moi, lui, elle, se considère comme unique ! Dans la relation client, c’est fondamental de reconnaître ce caractère unique, et même de le valoriser.
Faire l’inverse, c’est faire remonter inutilement la tension, et faire perdre des opportunités de ventes.

Notre sportif se sent moins considéré par le fait de devoir sans cesse rassurer sur le fait qu’il est bien client. La valorisation de son acte d’achat est alors contre-productive.
Continuons sur l’exemple de notre club de tennis, prestataire de services, et sa non-gestion du parcours client.
Dans notre monde moderne, même les clubs de tennis ont accès à des outils de gestion de la relation client, et par exemple mis à disposition par la Fédération, Ten’Up permet à un client de réserver en ligne, et sans perte de temps, ou coup de fil hasardeux, un court de tennis.
Pour une raison obscure, notre club a décidé de se passer de cet outil de gestion.
Au lieu de baliser, d’éclairer le client, sur l’occupation de son produit, et donc sa disponibilité, notre exemple choisit de maintenir une certaine opacité d’un autre temps.
Inévitablement, le fait de ne pas suivre et piloter la relation client entraîne un moment de friction, et donc de remontée de la tension chez l’utilisateur.
Il vient un jour, au moment où lui client a besoin ou la possibilité de consommer le service, et se retrouve confronté aux atermoiements d’un processus de réservation non parfaitement lisible. Le consommateur ne peut pas consommer.
Il aurait du appeler le standard qui ne répond pas pour éventuellement connaître la disponibilité d’un planning qui n’est pas diffusé…
Le chemin client n’est pas correctement balisé.
J’en ai fini avec cet exemple. Vous avez compris, le club de tennis a perdu à plusieurs reprises des opportunités de vendre des produits additionnels à notre sportif, et même, va sans doute le perdre comme client sur son produit principal.
Pas de chemin balisé clairement pour le nouveau client, pertes d'opportunitées
C’est valable dans tous les commerces du monde, et y compris dans le digital.
Nous devons toujours nous mettre dans la peau de notre client, et plus particulièrement le nouveau. Bien concevoir le tunnel de conversion, en surveillant chaque étape, et en s’alertant si un bout du chemin est perfectible.
Combien de personnes me disent que la prospection, c’est difficile ! Gagner un client, c’est difficile !
C’est tout de même du gâchis que de perdre un nouveau client parce qu’on n’a tout simplement pas la capacité de se mettre à sa place.
On parle très souvent de CRM pour gérer la relation client. Toutes les structures n’ont pas les moyens financiers pour mettre en place un outil, en revanche, aucune structure n’a le droit de ne pas penser le chemin de son nouveau client, et d’anticiper son parcours le plus fluide possible.
Dans des temps ancestraux, on appelait cela « avoir le sens du client »

Pour citer un célèbre entrepreneur français, symbole d’une forme de réussite, Marc Simoncini, fondateur de Meetic
« On crée d’abord une entreprise pour résoudre un problème. Gagner de l’argent avec l’idée de cette entreprise est secondaire ou le résultat d’un problème bien résolu »
C’est tellement vrai !
Placer le client au centre d’un dispositif commercial n’est pas une garantie de succès, ne pas le faire est une garantie d’échec.